Francisco Garcia Jurado, "Le vêtement féminin chez Properce et chez Marcel Proust", Vita Latina, n°142, 1996, p.45-51
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Francisco Garcia Jurado, "Le vêtement féminin chez Properce et chez Marcel Proust", Vita Latina, n°142, 1996, p.45-51
Un article passionnant où Mario Fortuny et Venise tiennent une large place : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/vita_0042-7306_1996_num_142_1_958
Francisco Garcia Jurado a écrit:[...]Il s'agit de vêtements confectionnés selon de vieux patrons vénitiens, ce sont des tenues orientales et de caractère exotique, comme celles qu'évoque Properce.
« Pour les toilettes, ce qui lui plaisait surtout en ce moment, c'était tout ce qui faisait Fortuny. Ces robes de Fortuny, dont j'avais vu l'une sur Mme de Guermantes, c'était celles dont Elstir, quand il nous parlait des vêtements magnifiques des contemporains de Carpaccio et de Titien, nous avait annoncé la prochaine apparition, renaissant de leurs cendres somptueuses, car tout doit revenir, comme il est écrit aux voûtes de Saint-Marc, et comme le proclament, buvant aux urnes de marbre et de jaspe des byzantins, les oiseaux qui signifient à la fois la mort et la résurrection. » {La prisonnière, p. 444)
Chez Proust, les robes de Fortuny évoquent Venise, ville que, justement, il ne peut visiter à cause d'Albertine ; c'est le thème du voyage impossible, déjà rencontré chez Properce. Mais chez Proust, le caractère exotique de la « robe de Fortuny » ne représente pas une menace de l'Orient ; il établit plutôt un pont entre l'aimée et le voyage imaginaire.
« La robe de Fortuny que portait ce soir-là Albertine me semblait comme l 'ombre de cette invisible Venise. Elle était envahie d'ornementation arabe comme Venise, comme les palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierres, comme les reliures de la Bibliothèque Ambrosienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie, se répétaient dans le miroitement de l'étoffe, d'un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard s'y avançait, se changeait en or malléable par ces mêmes transmutations qui devant la gondole qui s'avance, changent en métal flamboyant l'azur du Grand Canal. Et les manches étaient doublées d'un rosé cerise, qui est si particulièrement vénitien qu'on l'appelle rosé Tiepolo. » {La prisonnière, pp. 474-475)
À notre avis, Proust reforme consciemment un cercle thématique que l'on peut pressentir chez Properce. Les robes de Fortuny qu'il achète pour son amie viennent d'un lieu pour lui inaccessible, et lui servent en même temps pour évoquer ce lieu.[...]
condorcet- Nombre de messages : 2531
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